La cause en bref

R. c. Poulin

La Cour suprême a jugé que la personne reconnue coupable a droit soit à la peine qui s’appliquait quand elle a commis son crime, soit à celle qui s’appliquait quand elle a été condamnée. Elle n’a pas droit à la peine la moins sévère qui aurait pu exister entre ces deux moments.

Tout inculpé jouit de certains droits qui figurent dans la Charte canadienne des droits et libertés, laquelle fait partie de la Constitution canadienne. L’alinéa 11i) indique ce qui arrive quand la peine prévue pour un crime est modifiée entre le moment de la perpétration du crime et celui de la sentence prononcée pour ce crime. Il prévoit que la personne a le droit « de bénéficier de la peine la moins sévère » dans ce cas.

M. Poulin a commis des crimes d’ordre sexuel entre 1979 et 1987. Il a été accusé en 2014, reconnu coupable en 2016, puis condamné en 2017. Comme il était vieux et en mauvaise santé, M. Poulin a demandé un emprisonnement avec sursis, ce qui veut dire qu’il serait obligé de respecter certaines conditions au lieu d’aller en prison. Le juge chargé de déterminer la peine lui a donné raison.  

Le ministère public a dit que le juge avait eu tort d’infliger à M. Poulin l’emprisonnement avec sursis. Selon lui, cette peine n’était une possibilité ni au moment où M. Poulin a commis ses crimes, ni à celui où il a été condamné. Le ministère public a ajouté que le juge ne devrait se pencher que sur ces deux moments lorsqu’il décide de la peine la « moins sévère ».

Pour sa part, M. Poulin a affirmé que, selon l’al. 11i), le juge devait se pencher non seulement sur ces deux moments, mais aussi sur tous les moments au cours de l’intervalle en question. Il a dit qu’il devrait bénéficier de la peine la moins sévère qui pouvait être infligée pour ses crimes à tout moment durant ces trois décennies. Il y a eu une période au cours de laquelle le droit permettait d’infliger l’emprisonnement avec sursis pour ces crimes. Toujours selon M. Poulin, la garantie de la « peine la moins sévère » offerte par l’al. 11i) devrait lui donner droit à cette peine.

La plupart des tribunaux canadiens ont adopté l’interprétation de M. Poulin dans le passé. La Cour d’appel leur a emboîté le pas.

Les juges majoritaires de la Cour suprême ont dit que l’interprétation donnée par M. Poulin à l’alinéa 11i) était mal fondée. D’après eux, le juge chargé de déterminer la peine ne devrait se pencher que sur le moment où le crime a été commis et sur celui où M. Poulin a été condamné pour décider de la peine la moins sévère.

Les juges majoritaires ont mentionné que les droits devraient recevoir une interprétation généreuse, mais uniquement dans les limites établies par leurs objectifs. Après avoir examiné les objectifs de l’alinéa 11i), les juges majoritaires ont dit que seuls deux moments comptaient vraiment pour l’application de l’alinéa 11i). Le premier était celui où le crime a été commis. La peine en vigueur à cette époque tenait compte du risque juridique qu’a pris la personne en décidant de commettre le crime. Le second était celui où la personne a été condamnée. La peine en vigueur à cette époque reflète l’opinion la plus actuelle de la société sur ce qui est approprié.

Les juges majoritaires ont dit que l’alinéa 11i) n’était pas censé donner à une personne le droit de scruter le passé à la loupe pour trouver la peine la plus clémente qui se soit appliquée à un moment donné. L’alinéa 11i) met les gens à l’abri de l’injustice d’être condamné à une peine que la société ne considère plus appropriée pour leurs crimes. Il serait cependant injuste que les gens restés impunis plus longtemps pour leurs crimes bénéficient de peines plus clémentes. C’est souvent le cas des crimes d’ordre sexuels comme ceux de M. Poulin. Le risque que les peines changent par erreur ou omission augmente quand les délais sont plus longs. Les contrevenants comme M. Poulin bénéficieraient d’une peine qui avait peu à voir avec leur conduite criminelle ou l’opinion qu’avait la société des crimes quand ils ont été condamnés. L’alinéa 11i) n’était manifestement pas censé fonctionner de cette façon.

Selon les juges majoritaires, il se peut que la peine change entre le moment où la personne est accusée et celui où elle est condamnée. Il serait injuste de lui infliger une peine plus lourde qui a été adoptée par la suite si elle s’est appuyée sur la peine la moins sévère et s’est livrée à la police. Mais les juges majoritaires ont précisé que cette question devrait être tranchée dans une cause future.

La question était théorique avant que la Cour suprême ne l’examine. Le mot « théorique » signifie que la décision d’un juge est sans importance pour les besoins immédiats des parties. Il en était ainsi parce que M. Poulin est décédé peu avant que la Cour suprême instruise l’affaire. La Cour a décidé de l’instruire malgré tout car la question était importante et susceptible de toucher d’autres personnes.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.