La cause en bref
R. c. R.V.
- La décision
- Date : le 31 juillet 2019
- Référence neutre : 2019 CSC 41
- Décompte de la décision :
- Majorité : la juge Andromache Karakatsanis a accueilli l’appel (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Abella, Moldaver et Martin)
- Dissidence : les juges Russell Brown et Malcolm Rowe ont convenu que la juge saisie de la demande n’a pas appliqué les règles correctement; comme les erreurs auraient pu changer l’issue de l’affaire, ils auraient ordonné la tenue d’un nouveau procès
- En appel de la Cour d’appel de l’Ontario
- Renseignement sur le dossier (38286)
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- Jugement (Cour de justice de l’Ontario, non disponible en ligne)
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Un intimé aurait dû pouvoir poser des questions limitées sur les antécédents sexuels de la plaignante, quoique cela n’aurait pas changé le verdict dans cette affaire, a tranché la Cour suprême.
Une adolescente de 15 ans est allée faire du camping avec sa famille pendant une fin de semaine de la fête du Canada. Elle a affirmé avoir été agressée sexuellement par son cousin, R.V., âgé de 20 ans. Elle n’a parlé de l’agression à personne sur le coup, mais a appris plus tard qu’elle était enceinte. Selon ses médecins, elle était tombée enceinte vers la fin juin ou le début juillet. L’adolescente a mis fin à la grossesse de sorte qu’il était impossible d’établir au moyen d’une preuve génétique qui l’avait mise enceinte. R.V. a plus tard été accusé d’agression sexuelle et de contacts sexuels (attouchements à caractère sexuel sur une personne de moins de 16 ans).
Au procès de R.V., le ministère public (la poursuite) a affirmé que l’adolescente était vierge avant cette fin de semaine et qu’elle était tombée enceinte aux environs du moment de l’agression. La poursuite a utilisé cette preuve pour appuyer l’accusation que R.V. avait agressé sexuellement l’adolescente, mais R.V. a nié ces allégations. Selon lui, quelqu’un d’autre avait dû la mettre enceinte. Il souhaitait demander à l’adolescente si elle avait eu des rapports sexuels avec une autre personne.
Quiconque accuse autrui d’avoir commis un crime (dans cette affaire, l’adolescente) est un « plaignant ». Dans les affaires d’agressions sexuelles, le Code criminel prévoit des règles sur ce qui peut être dit au sujet des antécédents sexuels d’un plaignant. Les procès sont censés révéler la vérité. Toutefois, des personnes croient certains mythes et stéréotypes entourant les femmes et leurs antécédents sexuels. Ces idées préconçues compliquent le chemin vers la vérité. Les règles en place le sont pour protéger le déroulement des procès et pour aider les juges et jurys à découvrir la vérité. La preuve concernant les antécédents sexuels d’un plaignant n’est admissible que si elle respecte des conditions très strictes.
Dans cette affaire, la poursuite a présenté la preuve concernant la virginité et la grossesse de l’adolescente. R.V. souhaitait la contester. Il voulait poser des questions pour savoir si quelqu’un d’autre avait pu causer la grossesse. Selon lui, s’il ne pouvait contester les propos de la plaignante, il n’arriverait pas à se défendre correctement.
R.V. a dû demander l’autorisation de poser ces questions, puisqu’elles portaient sur des antécédents sexuels. La juge a affirmé que R.V. était autorisé à demander si l’adolescente avait dit la vérité lorsqu’elle affirmait qu’elle était vierge à l’époque et sur ce que signifiait être « vierge » à ses yeux. Cependant, il n’était pas autorisé à demander si quelqu’un d’autre avait pu la mettre enceinte.
Le juge du procès a déclaré R.V. coupable et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de quatre ans. La Cour d’appel a déclaré qu’il était injuste que la poursuite puisse s’appuyer sur la grossesse tandis que R.V. n’était pas autorisé à contester l’allégation selon laquelle c’est lui qui l’avait causée. Elle a ordonné la tenue d’un nouveau procès.
Les juges majoritaires de la Cour suprême ont convenu que R.V. aurait dû être autorisé à demander à l’adolescente si une autre personne avait pu causer sa grossesse, mais que cela n’aurait fait aucune différence. Il aurait quand même été reconnu coupable. Les juges majoritaires ont confirmé la déclaration de culpabilité.
Les juges majoritaires sont d’avis que la présomption d’innocence est essentielle dans notre droit criminel. L’une des composantes de la présomption d’innocence, c’est la possibilité de se défendre. C’est pourquoi R.V. devait avoir la possibilité de poser des questions pour contester la preuve présentée contre lui. Même si la grossesse permettait de prouver qu’il y avait eu quelque activité sexuelle, elle ne permettait pas de prouver qui avait causé la grossesse ni quand. Il était important de poser ces questions pour découvrir la vérité. Cependant, la Cour a fait remarquer que les questions auraient été limitées, suivant les règles prescrites au Code criminel, de façon à protéger la dignité et la vie privée de l’adolescente. Selon les juges majoritaires, dans de rares cas comme celui-ci, même si R.V. avait pu poser ses questions différemment, le résultat n’aurait pas changé. Durant le procès de ce dernier, l’adolescente a déclaré qu’elle était vierge à l’époque et rien ne donnait à penser qu’elle mentait.
Les juges majoritaires ont conclu qu’un juge aurait dû déterminer ce qui pouvait être dit au sujet des antécédents sexuels et sur la façon dont R.V. pouvait contester la preuve avant même que la poursuite ne la présente. Ils ont fait remarquer que les juges doivent s’assurer que les questions permises n’empiètent pas de façon exagérée sur la vie privée du plaignant. Les juges peuvent également modifier les décisions rendues à cet égard si les circonstances changent pendant le procès.
La Cour s’est récemment penchée sur la question des antécédents sexuels d’un plaignant dans les arrêts R. c. Goldfinch et R. c. Barton.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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