La cause en bref
R. c. J.J.
- La décision
- Date : le 30 juin 2022
- Référence neutre : 2022 CSC 28
- Décompte de la décision :
- Majorité : le juge en chef Wagner et le juge Moldaver ont conclu que le processus d’examen des dossiers est constitutionnel dans son intégralité (avec l’accord des juges Karakatsanis, Martin, Kasirer et Jamal)
- Dissidence partielle : le juge Brown a conclu que le processus d’examen des dossiers est inconstitutionnel pour ce qui est des dossiers privés, mais qu’il est constitutionnel en ce qui a trait à la preuve d’un comportement sexuel antérieur
- Dissidence partielle : le juge Rowe, qui s’est dit d’accord avec le juge Brown, a expliqué le processus décisionnel applicable lorsque les articles 7 et 11 de la Charte sont invoqués en même temps
- Dissidence partielle : la juge Côté s’est rangée à l’avis des juges Brown et Rowe, mais elle aurait interprété plus étroitement certains termes des dispositions pertinentes du Code criminel.
- En appel de la Cour suprême de la Colombie-Britannique et de la Cour supérieure de justice de l’Ontario
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La Cour suprême juge constitutionnelle une nouvelle procédure prévue par le Code criminel pour déterminer si les documents privés d’une plaignante peuvent être utilisés par un accusé lors d’un procès pour une infraction d’ordre sexuel.
J.J. a été accusé d’agression sexuelle en Colombie-Britannique. Son identité est protégée par une interdiction de publication. Shane Reddick a également été accusé de la même infraction en Ontario. Dans les deux cas, les hommes ont plaidé que les articles 278.92 à 278.94 du Code criminel sont inconstitutionnels. Ces dispositions établissent la façon dont un juge doit s’y prendre pour décider si les documents privés d’une plaignante (appelés « dossiers » dans le Code criminel) peuvent être utilisés par l’accusé lors de son procès pour une infraction d’ordre sexuel. C’est ce qu’on appelle le processus d’examen des dossiers. Ces dispositions sont aussi prises en compte afin de décider de l’utilisation qui peut être faite des éléments de preuve liés au comportement sexuel antérieur de la plaignante. Des éléments de preuve comme des documents privés et le comportement sexuel antérieur peuvent être permis dans certaines circonstances.
J.J. avait en sa possession des dossiers de communications entre lui et la plaignante. Il voulait utiliser ces dossiers pour contre-interroger la plaignante. De même, M. Reddick voulait contre-interroger la plaignante dans le cadre de son procès, mais concernant des éléments de preuve liés au comportement sexuel antérieur de cette dernière.
Avant la tenue de leur procès respectif, J.J. et M. Reddick ont tous les deux demandé au juge de conclure que le processus d’examen des dossiers violait trois des droits que leur garantit la Charte canadienne des droits et libertés, soit le droit de garder le silence et de ne pas s’auto-incriminer, le droit à un procès équitable et le droit de l’accusé de présenter des éléments de preuve en défense et de contester les éléments de preuve présentés contre lui.
Dans le cas de J.J., la juge a conclu à l’inconstitutionnalité d’un aspect du processus d’examen des dossiers. La Couronne et J.J. ont tous les deux porté la décision de la juge en appel à la Cour suprême du Canada. Un jury a plus tard conclu que J.J. n’était pas coupable, et la Couronne n’a pas interjeté appel de l’acquittement.
Dans le cas de M. Reddick, le juge a conclu que le processus d’examen des dossiers était inconstitutionnel dans son ensemble. La plaignante a présenté une demande d’autorisation d’appel de cette décision à la Cour suprême. Elle soutenait que la décision portait atteinte au droit des plaignantes, dans des affaires d’agression sexuelle, de participer au processus décisionnel concernant l’utilisation de détails de leur vie sexuelle privée dans une salle d’audience publique. La Cour suprême lui a accordé l’autorisation d’appel.
La Cour suprême a déclaré constitutionnel le processus d’examen des dossiers prévu aux articles 278.92 à 278.94 du Code criminel.
Le processus d’examen des dossiers ne viole pas les droits de l’accusé garantis par la Charte.
Rédigeant les motifs de jugement des juges majoritaires de la Cour suprême, le juge en chef Richard Wagner et le juge Michael Moldaver ont affirmé qu’il n’y a pas eu violation des droits de l’accusé. Le droit de l’accusé de garder le silence n’est pas en cause, car ce dernier n’est pas obligé de témoigner dans le cadre du processus d’examen des dossiers. Ensuite, le droit de l’accusé à un procès équitable ne signifie pas que le procès sera le plus avantageux ou le plus bénéfique possible pour ce dernier. Enfin, le droit de l’accusé de présenter des éléments de preuve et de contester la preuve présentée contre lui n’est pas sans limites. Le fait de prendre la plaignante par surprise avec ses propres dossiers très privés au procès peut être injuste pour elle et aller à l’encontre de la recherche de la vérité.
Les juges majoritaires ont expliqué que les articles 278.92 à 278.94 du Code criminel ont été créés en vue d’éliminer les obstacles qui dissuadaient les victimes d’agression sexuelle de se manifester. L’objectif de ces dispositions était de protéger, au moyen d’un processus, les intérêts de la plaignante dans ses propres documents privés lorsque l’accusé a ces dossiers en sa possession et cherche à les utiliser au procès. Les juges majoritaires ont affirmé que ce processus met en balance les droits et les intérêts de l’accusé, de la plaignante et du public.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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