La cause en bref
R. c. Kruk
- La décision
- Date : le 8 mars 2024
- Référence neutre : 2024 CSC 7
- Décompte de la décision :
- Majorité : la juge Martin a accueilli les appels, annulé les décisions de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique et rétabli les déclarations de culpabilité (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Côté, Kasirer, Jamal et O’Bonsawin)
- Motifs concordants : le juge Rowe était d’accord avec les juges majoritaires pour accueillir les appels et rétablir les déclarations de culpabilité, mais il est arrivé à ces conclusions au moyen d’un cadre d’analyse différent.
- En appel de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique
- Renseignements sur le dossier (40095) (40447)
- Diffusion Web de l'audience (40095) (40447)
- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
- Jugement (M. Kruk) (Cour suprême de la Colombie-Britannique)
- Appel (M. Kruk) (Cour d’appel de la Colombie-Britannique)
- Jugement (M. Tsang) (Cour provinciale de la Colombie-Britannique – non publié)
- Appel (M. Tsang) (Cour d’appel de la Colombie-Britannique)
- Explorez la Cour
La Cour suprême confirme les conclusions sur la crédibilité et la fiabilité tirées par les juges dans deux procès criminels distincts et rétablit les déclarations de culpabilité pour agression sexuelle prononcées contre deux hommes.
Les appels portaient sur la question de savoir comment doit être contrôlée en appel l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité que font les juges dans les procès criminels. Ils portaient aussi sur le rôle du bon sens dans l’évaluation de la déposition de témoins.
Christopher James Kruk et Edwin Tsang ont été déclarés coupables d’agression sexuelle en Colombie-Britannique dans des affaires distinctes et non reliées. Dans les deux cas, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a annulé les déclarations de culpabilité sur la base d’erreurs qu’auraient commises les juges lors des procès dans la façon dont ils ont apprécié la crédibilité et la fiabilité des plaignantes et des accusés. La Cour d’appel a conclu que les juges des procès avaient formulé des hypothèses sur le comportement humain qui ne reposaient pas sur la preuve, ce qui les avait amenés à croire les plaignantes et à rejeter les témoignages de MM. Kruk et Tsang pour manque de crédibilité.
Selon la Cour d’appel, ces hypothèses étaient contraires à une nouvelle « règle interdisant le recours à des hypothèses logiques infondées », règle qui empêcherait les juges de formuler des conjectures basées sur des généralisations et sur le bon sens lorsque ces conjectures ne sont pas appuyées par la preuve dont ils disposent. La Cour d’appel a conclu que les juges de première instance avaient commis des erreurs de droit en formulant des hypothèses sur le comportement humain qui ne reposaient pas sur la preuve et que ces erreurs avaient eu une incidence sur les déclarations de culpabilité prononcées contre MM. Kruk et Tsang, ce qui justifiait d’annuler les déclarations de culpabilité et d’ordonner la tenue de nouveaux procès.
La Couronne a interjeté appel des décisions à la Cour suprême du Canada. Elle a plaidé que, dans les deux affaires, la Cour d’appel aurait dû faire preuve de retenue à l’égard des conclusions sur la crédibilité tirées par les juges lors des procès. Elle a aussi fait valoir que ces conclusions pouvaient uniquement être infirmées dans la mesure où les juges avaient commis des « erreurs manifestes et déterminantes » dans leurs hypothèses. Une erreur « manifeste » est une erreur qui est évidente et qui, dans le présent contexte, peut viser les cas où il est évident que l’hypothèse en question est fausse, ou encore les cas où elle est fausse ou inapplicable à la lumière des autres éléments de preuve qui ont été retenus ou des conclusions de fait qui ont été tirées. Lorsqu’elle constate la présence d’une erreur de ce genre, la cour d’appel doit aussi arriver à la conclusion que le recours à l’hypothèse par le juge du procès a été « déterminant », en ce sens qu’il a influé sur le résultat ou qu’il touchait directement à l’issue de l’affaire. De l’avis de la Couronne, la Cour d’appel a commis une erreur en s’appuyant sur la règle interdisant le recours à des hypothèses logiques infondées, au lieu de chercher des erreurs manifestes et déterminantes dans les hypothèses formulées par les juges lors des procès pour justifier d’infirmer leurs conclusions sur la crédibilité.
En réponse, MM. Kruk et Tsang ont affirmé que les juges qui avaient présidé les procès avaient eu tort de recourir à des hypothèses logiques infondées pour conclure qu’ils étaient moins crédibles que les plaignantes. À leur avis, la Cour d’appel avait eu raison d’invoquer la règle interdisant le recours aux hypothèses logiques infondées pour infirmer les conclusions des juges sur la crédibilité et annuler les déclarations de culpabilité.
La Cour suprême a accueilli les appels.
La règle interdisant le recours à des hypothèses logiques infondées ne doit pas être reconnue comme nouveau fondement pour contrôler en appel les conclusions sur la crédibilité et la fiabilité tirées par les juges lors des procès.
Rédigeant les motifs majoritaires, la juge Martin a déclaré que l’adoption d’une telle règle constituerait un changement radical par rapport à la façon dont les cours d’appel ont en général abordé l’appréciation de la crédibilité et de la fiabilité, surtout dans le contexte des agressions sexuelles. La juge Martin a déclaré que les normes de contrôle et les règles de preuve actuelles doivent continuer de s’appliquer au contrôle du recours fautif à des hypothèses logiques dans les procès criminels. Dans certains cas, le recours au bon sens par le juge du procès sera susceptible de contrôle en appel parce qu’il révèle des erreurs de droit reconnues. Autrement, comme toute autre conclusion de fait, l’appréciation de la crédibilité et de la fiabilité – et tout recours aux hypothèses logiques qui y sont inhérentes – sera susceptible de révision seulement en cas d’erreur manifeste et déterminante.
Dans les deux affaires en question, la juge Martin a apprécié les conclusions tirées par les juges de première instance sur la crédibilité et fiabilité selon la norme de l’erreur manifeste et déterminante, et elle a conclu qu’aucune erreur de ce genre n’avait été commise. Pour ces raisons, elle a accueilli les appels et rétabli les déclarations de culpabilité prononcées contre MM. Kruk et Tsang.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
Explorez la Cour: Les juges de la Cour | Le rôle de la Cour | Visitez la Cour
- Date de modification :