La cause en bref
Scott c. Golden Oaks Enterprises Inc.
- La décision
- Date : le 11 octobre 2024
- Référence neutre : 2024 CSC 32
- Décompte de la décision :
- Majorité : le juge Jamal a rejeté l’appel (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Karakatsanis, Rowe, Martin et O’Bonsawin)
- Motifs concordants : la juge Côté était d’accord avec les juges majoritaires pour rejeter l’appel, mais pour des raisons différentes.
- En appel de la Cour d’appel de l'Ontario
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La Cour suprême conclut que les réclamations contre une entreprise ayant exploité un stratagème de type Ponzi ne sont pas prescrites par la loi.
Joseph Lacasse était propriétaire et exploitant de Golden Oaks Enterprises Inc., une entreprise de location avec option d’achat de propriétés résidentielles. Lorne Scott, un des appelants, était un agent immobilier à qui étaient payés des intérêts et des commissions pour qu’il recrute de nouveaux investisseurs. L’entreprise semblait une réussite, mais il s’agissait en réalité d’un stratagème de type Ponzi. Un stratagème de type Ponzi est un genre de fraude dans laquelle les investisseurs existants sont payés avec des fonds recueillis auprès de nouveaux investisseurs. Dans ce cas-ci, M. Lacasse a convaincu des investisseurs de prêter de l’argent à son entreprise en leur offrant des taux d’intérêt illégalement élevés, puis a remboursé les investisseurs existants en recrutant de nouveaux investisseurs. Le stratagème de type Ponzi s’est effondré en juillet 2013. Doyle Salewski Inc. a agi à titre de « syndic de faillite ». Un syndic est une entité qui gère les biens du failli en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (« LFI »). Doyle Salewski Inc. a intenté des actions en justice contre les investisseurs afin de recouvrer les intérêts et commissions illicites que Golden Oaks leur avait payés, affirmant que les investisseurs s’étaient enrichis injustement. En réponse, ces derniers ont prétendu que les actions en justice étaient « prescrites » en application de la Loi de 2002 sur la prescription des actions de l’Ontario, parce que M. Lacasse savait que les paiements étaient illégaux lorsqu’ils ont été effectués. La Loi de 2002 sur la prescription des actions prévoit qu’une action en justice ne peut généralement pas être intentée plus de deux ans après que la personne qui présente la réclamation a appris ou aurait dû apprendre les faits relatifs à la réclamation. Après deux ans, l’action devient « prescrite » par la loi.
La juge de première instance a attribué à l’entreprise la connaissance qu’avait M. Lacasse des faits en question. Cependant, elle a conclu que les actions intentées par le syndic contre l’entreprise n’étaient pas prescrites par la loi, mais pour d’autres raisons. Elle a ordonné aux investisseurs de remettre les intérêts qu’ils avaient reçus illégalement. Ces derniers ont interjeté appel de la décision de la juge de première instance, plaidant que celle-ci avait eu tort de conclure que les actions n’étaient pas prescrites. Le syndic a pour sa part fait appel de la conclusion de la juge de première instance selon laquelle la connaissance des faits par M. Lacasse devait être attribuée à Golden Oaks.
La Cour d’appel n’a pas accepté les arguments des investisseurs et a plutôt retenu la prétention du syndic que la juge de première instance n’aurait pas dû attribuer à l’entreprise la connaissance des faits qu’avait M. Lacasse. La Cour d’appel a conclu que des raisons d’intérêt public justifient de faire en sorte que les individus ayant tiré profit du stratagème de type Ponzi ne puissent pas éviter d’être tenus responsables en justice parce que la connaissance des faits par M. Lacasse serait attribuée à l’entreprise. Les actions en justice n’étaient donc pas prescrites, car Golden Oaks n’avait pas la connaissance requise pour les intenter au moment pertinent. Les investisseurs ont interjeté appel à la Cour suprême, principalement pour le motif que la connaissance de M. Lacasse doit être attribuée à Golden Oaks, étant donné que celle-ci est une entreprise unipersonnelle et que M. Lacasse et elle sont essentiellement une seule et même personne.
La Cour suprême a rejeté l’appel.
La connaissance des faits par l’unique dirigeant et actionnaire de Golden Oaks ne devrait pas être attribuée à l’entreprise.
Rédigeant les motifs des juges majoritaires, le juge Jamal a conclu que les actions intentées par le syndic ne sont pas prescrites par la Loi de 2002 sur la prescription des actions. Les principes de l’attribution d’actes à une entreprise, résumés dans l’appel connexe Aquino c. Ernst & Young Inc., 2024 CSC 31, s’appliquent aux entreprises unipersonnelles. La théorie de l’attribution d’actes à une entreprise doit être appliquée de manière téléologique, contextuelle et pragmatique afin que se réalisent les objectifs de politique générale de la loi en vertu de laquelle une partie cherche à attribuer à une entreprise les actes, les connaissances, l’état d’esprit ou l’intention de son âme dirigeante. La Cour d’appel a donc eu raison de conclure que la connaissance de M. Lacasse ne devait pas être attribuée à l’entreprise. Cela n’aurait pas favorisé la réalisation des objectifs de la Loi de 2002 sur la prescription des actions et de la LFI, notamment les objectifs consistant à prévenir l’injustice qu’entraînerait le fait d’interdire à une personne d’intenter une action avant même qu’elle ne soit en mesure de le faire, à garantir le partage équitable des biens du failli entre ses créanciers et à protéger l’intérêt public.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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