La cause en bref
Auer c. Auer
- La décision
- Date : le 8 novembre 2024
- Référence neutre : 2024 CSC 36
- Décompte de la décision :
- Unanimité : la juge Côté a rejeté l’appel (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Karakatsanis, Rowe, Martin, Kasirer, Jamal, O’Bonsawin et Moreau)
- En appel de la Cour d’appel de l'Alberta
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La Cour suprême confirme des lignes directrices utilisées pour fixer les montants de pension alimentaire pour enfants à payer en cas de divorce.
Cette affaire et l’affaire TransAlta Generation Partnership c. Alberta, qui a été décidée le même jour, portent toutes deux sur la norme de contrôle qui s’applique lorsqu’un texte législatif subordonné est contesté par voie de contrôle judiciaire devant un tribunal. Un texte législatif subordonné est un texte qui énonce des règles juridiquement contraignantes établies non pas par un législateur, tel le Parlement fédéral, mais plutôt par une autre entité à qui le législateur a accordé le pouvoir de les établir. La norme de contrôle est l’approche que suit un tribunal pour évaluer une décision, par exemple la décision d’établir un texte législatif subordonné.
Monsieur Roland Auer et Mme Aysel Auer se sont mariés en 2004. Ils ont eu un enfant ensemble et ont divorcé en 2008. Monsieur Auer verse à Mme Auer une pension alimentaire pour enfant, mais il a présenté une demande de contrôle judiciaire contestant les Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, un texte législatif subordonné qui fixe le montant de pension alimentaire pour enfants à payer en cas de divorce. Le gouverneur en conseil (c’est-à-dire le gouverneur général agissant sur l’avis du Cabinet) a, en vertu de la Loi sur le divorce, le pouvoir d’établir des lignes directrices concernant les ordonnances alimentaires pour enfants. Monsieur Auer a plaidé que le gouverneur en conseil avait outrepassé ce pouvoir en établissant les Lignes directrices (que celles-ci étaient ultra vires), parce qu’elles obligent un parent débiteur comme lui à assumer une plus grande part des frais liés à l’enfant que le parent créancier.
La Cour du Banc du Roi a conclu que les Lignes directrices relevaient du pouvoir du gouverneur en conseil, et elle a rejeté la demande de contrôle judiciaire de M. Auer. Elle a affirmé que, à la suite d’un jugement de la Cour suprême du Canada intitulé Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle qui est présumée s’appliquer pour déterminer s’il existait un pouvoir de prendre un texte législatif subordonné. Une décision raisonnable est le résultat d’un raisonnement cohérent. La décision doit être sensée à la lumière du droit et des faits, mais elle n’a pas besoin d’être la seule bonne réponse. La Cour du Banc du Roi a ajouté qu’un contrôle effectué selon cette norme devrait être guidé par les principes formulés dans une décision antérieure de la Cour suprême intitulée Katz Group Canada Inc. c. Ontario (Santé et Soins de longue durée). Cette décision indique que, pour juger qu’un texte législatif subordonné outrepasse le pouvoir accordé par une loi parce qu’il est incompatible avec l’objectif de cette loi, il faut démontrer qu’il est « sans importance, non pertinent ou complètement étranger » à cet objectif.
La Cour d’appel a rejeté à l’unanimité l’appel formé par M. Auer, mais elle était divisée quant à la norme de contrôle. Les juges majoritaires ont déclaré que l’arrêt Vavilov n’avait pas modifié les principes tirés de Katz Group et que, pour conclure que les Lignes directrices n’étaient pas autorisées par la Loi sur le divorce parce qu’elles étaient incompatibles avec l’objet de cette loi, elles devaient être « sans importance, non pertinent[es] ou complètement étrang[ères] » à cet objet.
Monsieur Auer a fait appel de nouveau, cette fois à la Cour suprême du Canada, soutenant que les Lignes directrices n’étaient pas autorisées par la loi. La Cour suprême a rejeté son appel.
Les lignes directrices relèvent raisonnablement du champ d’application du pouvoir accordé au gouverneur en conseil par la Loi sur le divorce.
Rédigeant la décision unanime de la Cour, la juge Côté a expliqué que la rigoureuse norme de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Vavilov est présumée s’appliquer lors de l’examen de la question de savoir si un texte législatif subordonné était autorisé par la loi. Certains des principes tirés de l’arrêt Katz Group continuent de guider un tel contrôle suivant la norme de la décision raisonnable. Toutefois, pour que le tribunal juge qu’un texte législatif subordonné outrepasse le pouvoir accordé dans une loi parce qu’il est incompatible avec l’objet de cette loi, il n’est plus nécessaire qu’il soit « sans importance », « non pertinent » ou « complètement étranger » à l’objet de la loi. Le régime établi par la loi habilitante, les autres règles statutaires ou de common law applicables ainsi que les principes d’interprétation statutaire sont des contraintes particulièrement pertinentes lorsqu’il s’agit de décider si un texte législatif subordonné relève raisonnablement du champ d’application du pouvoir.
En l’espèce, les Lignes directrices relèvent raisonnablement du pouvoir que confère la Loi sur le divorce au gouverneur en conseil, eu égard aux contraintes pertinentes. Le paragraphe 26.1(1) confère au gouverneur en conseil un pouvoir extrêmement large d’établir des lignes directrices en matière d’ordonnances alimentaires pour enfants. Le paragraphe 26.1(2) restreint ce pouvoir en exigeant que les lignes directrices soient fondées sur le principe que l’obligation financière de subvenir aux besoins des enfants à charge est commune aux époux et qu’elle est répartie entre eux selon leurs ressources respectives permettant de remplir cette obligation. Les Lignes directrices respectent cette contrainte.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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