La cause en bref
Québec (Procureur général) c. Pekuakamiulnuatsh Takuhikan
- La décision
- Date : le 27 novembre 2024
- Référence neutre : 2024 CSC 39
- Décompte de la décision :
- Majorité : le juge Kasirer a rejeté l’appel (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Karakatsanis, Rowe, Martin, Jamal, O’Bonsawin et Moreau)
- Motifs dissidents : la juge Côté aurait accueilli l’appel.
- En appel de la Cour d’appel du Québec
- Renseignements sur le dossier (40619)
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La Cour suprême confirme que la province de Québec a manqué aux exigences de la bonne foi et du principe de l’honneur de la Couronne dans l’exécution d’ententes portant sur les services policiers dans une communauté autochtone.
Le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et Pekuakamiulnuatsh Takuhikan, un conseil de bande qui représente la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, ont conclu des ententes tripartites successives portant sur les services policiers dans la communauté de Mashteuiatsh, au Québec. Ces ententes visent trois principaux objectifs, soit: d’établir et maintenir un corps de police autochtone, la Sécurité publique de Mashteuiatsh (« SPM »), offrant des services adaptés à la communauté autochtone de Mashteuiatsh; de fixer la contribution financière maximale du Canada et du Québec au fonctionnement de la SPM; et de confier la gestion de celle-ci au conseil de bande. Les parties contractantes ont prévu une clause permettant le renouvellement des ententes en vue d’assurer le maintien du corps de police dans le temps.
Entre 2013 et 2017, le financement gouvernemental prévu aux ententes s’est révélé insuffisant pour assurer à lui seul le maintien de la SPM. Au terme de chaque exercice financier annuel, le fonctionnement de la SPM a accusé des déficits. Le conseil de bande a ainsi été amené à assumer des déficits totalisant 1 599 469,95 $. Ce dernier a entrepris des procédures judiciaires, réclamant aux gouvernements du Canada et du Québec le remboursement des déficits accumulés. Le conseil de bande appuie sa réclamation sur deux fondements: un fondement contractuel relevant du droit privé, basé sur les dispositions du Code civil du Québec, et un fondement de droit public, ancré dans les principes de droit autochtone. Le conseil de bande allègue que le Canada et le Québec auraient refusé de véritablement négocier les clauses financières des ententes, ce qui constituerait un manquement tant aux exigences de la bonne foi qu’aux obligations découlant de l’honneur de la Couronne.
Le juge de première instance a rejeté la demande du conseil de bande, statuant que le contrat est la loi des parties et que l’honneur de la Couronne ne trouve pas application. La Cour d’appel a infirmé ce jugement et condamné le Canada et le Québec à payer leur part respective du montant total des déficits accumulés, soit 832 724,37 $ pour le Canada et 767 745,58 $ pour le Québec. De l’avis de la Cour d’appel, le refus de ces gouvernements de financer la SPM à la hauteur de ses besoins permet de conclure à la fois à une violation du principe de la bonne foi et au non-respect de l’honneur de la Couronne. Seul le Québec se pourvoit contre l’arrêt de la Cour d’appel, le Canada ayant versé les sommes auxquelles cette dernière l’a condamné.
La Cour suprême a rejeté l’appel.
Le gouvernement du Québec était assujetti à des obligations en lien avec la renégociation des ententes.
Écrivant pour la majorité, le juge Kasirer a conclu que le refus du Québec de renégocier sa contribution financière lors du renouvellement des ententes n’était pas conforme au principe de la bonne foi, source d’obligations de droit privé énoncée à l’article 1375 du Code civil du Québec, qui gouverne la conduite des parties lors de l’exécution d’un contrat. Cela constituait aussi un manquement à l’obligation d’agir conformément à l’honneur de la Couronne, une obligation relevant pour sa part du droit public, qui s’imposait au Québec dans l’exécution des ententes tripartites. Quant à la réparation due en raison du non-respect des exigences de la bonne foi, le dossier ne permet pas de procéder à l’évaluation des dommages-intérêts compensatoires conformément aux principes de la justice corrective. Cela dit, en ce qui concerne la réparation visant à rétablir l’honneur de la Couronne, ancrée dans la justice réconciliatrice, l’octroi de dommages-intérêts équivalents aux déficits accumulés est une mesure opportune qui permettra aux parties contractantes d’aborder les prochaines négociations sereinement.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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