La cause en bref

Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c. Wall

Les groupes religieux n’ont pas à disposer du même genre de procédures équitables que les organismes publics, a jugé la Cour suprême. De plus, les tribunaux ne peuvent intervenir à l’égard des décisions de ces groupes qui portent sur des questions purement religieuses.

La Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses est un groupe religieux comptant une centaine de membres à Calgary. Toute personne qui souhaite adhérer à la Congrégation doit être baptisée et montrer qu’elle comprend les enseignements religieux et vit selon les règles de la communauté. Quiconque ne respecte pas ces règles sera incité à se repentir (s’excuser). Si le comportement reproché continue, un comité formé d’au moins trois anciens peut décider d’expulser ou d’« excommunier » le membre. « Comité de discipline religieuse » est le nom que donne la Congrégation à ce comité.

Monsieur Randy Wall est devenu membre de la Congrégation en 1980. En 2014, le Comité de discipline religieuse l’a excommunié parce qu’il avait péché et ne se repentait pas complètement. Cette décision a été confirmée par un comité d’appel et par la Tour de Garde Société de Bibles et de Tracts du Canada, l’administration centrale des Témoins de Jéhovah au Canada.

Monsieur Wall a demandé à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta de réviser la décision. Dans le cadre d’un « contrôle judiciaire », une cour de justice examine la décision d’un tribunal administratif pour s’assurer qu’elle est convenable. Les cours de justice ne peuvent réviser que les décisions rendues par des organismes publics (établis par le gouvernement et agissant pour le compte de celui-ci), et non celles rendues par des organismes privés. Lorsqu’ils rendent des décisions, les tribunaux administratifs doivent traiter tout le monde équitablement et décider de façon impartiale. C’est ce qu’on appelle l’« équité procédurale ».

Monsieur Wall a plaidé que le Comité de discipline religieuse avait agi de façon inéquitable. Il a affirmé que la décision lui avait fait perdre de l’argent, parce que des clients Témoins de Jéhovah évitaient de faire affaire avec son entreprise de courtage immobilier. Les cours de justice inférieures devaient d’abord décider si elles possédaient le pouvoir (ou l’autorité en vertu de la loi) pour réviser la décision d’excommunication rendue par le Comité de discipline religieuse. Elles ont décidé qu’elles avaient ce pouvoir, même si le Comité de discipline religieuse n’était pas un décideur public. Elles ont tiré cette conclusion en raison des répercussions financières de la décision sur M. Wall et du fait que la procédure n’avait peut-être pas été équitable.

Rédigeant la décision unanime de la Cour suprême, le juge Malcolm Rowe a déclaré que cette conclusion était erronée. Les cours de justice n’avaient pas le pouvoir de contrôler la décision d’excommunication prise par une organisation religieuse privée. Les membres de la Congrégation ne représentaient pas une clientèle qui revenait de droit à M. Wall. Son appartenance à la Congrégation ne représentait pas non plus un droit qu’il pouvait demander aux tribunaux de faire respecter, contrairement à un contrat par exemple. Le juge Rowe a confirmé que les cours de justice peuvent contrôler uniquement les décisions de décideurs publics, et que les décideurs privés n’ont pas l’obligation de suivre une procédure équitable, sauf si un droit reconnu par la loi et à l’égard duquel on peut s’adresser aux tribunaux est en jeu. Il a également confirmé que les désaccords sur des principes religieux sont des questions « non justiciables » — c’est-à-dire des questions à l’égard desquelles il ne convient pas que les cours de justice interviennent.

Ce jugement confirme que les groupes religieux peuvent décider qui peut être membre de leur organisation, et qu’ils peuvent établir leurs propres règles. Les tribunaux ne peuvent pas intervenir à l’égard des décisions prises par ces groupes, sauf s’il est nécessaire de le faire pour résoudre un litige reposant sur une question juridique « justiciable ».

Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.