La cause en bref

R. c. Comeau

La Cour suprême a décidé qu’une loi empêchant les résidents du Nouveau-Brunswick de faire des provisions d’alcool provenant d’une autre province est constitutionnelle. Les provinces peuvent adopter des lois qui traitent des situations et priorités qui leur sont propres. Elles ont ce pouvoir, même si les lois en question peuvent accessoirement restreindre la circulation de biens d’une province à une autre.

La Cour a accueilli à l’unanimité l’appel interjeté par le ministère public dans la cause d’un Néo-Brunswickois qui avait acheté de l’alcool au Québec.

L’alinéa 134b) de la Loi sur la réglementation des alcools du Nouveau-Brunswick interdit aux résidents de la province de détenir de grandes quantités de boissons alcooliques achetées ailleurs qu’à la Société des alcools du Nouveau-Brunswick, par exemple dans d’autres provinces. La GRC surveillait les Néo-Brunswickois qui traversaient la frontière avec le Québec pour y acheter de l’alcool moins cher que celui vendu dans leur province. Le 6 octobre 2012, Gerard Comeau a conduit de son domicile au Nouveau-Brunswick jusqu’au Québec pour faire des provisions. Durant son trajet de retour, il a été arrêté par la GRC alors qu’il était en possession d’une grande quantité de bière et de spiritueux achetés au Québec. Il a été condamné à payer une amende de 240 $, plus frais.

M. Comeau a contesté l’amende. Selon lui, l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 garantit le libre-échange entre les provinces. Le ministère public, en désaccord avec M. Comeau, a plaidé que l’article 121 ne devait servir qu’à interdire aux provinces d’imposer des tarifs ou autres charges similaires aux frontières. Pour le ministère public, la disposition ne s’appliquait donc pas à la situation de M. Comeau. Le juge du procès, qui n’a pas suivi la jurisprudence de la Cour suprême établie depuis longtemps, a donné raison à M. Comeau et rejeté l’accusation portée contre lui.

La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a rejeté la demande d’autorisation d’appel du ministère public qui a alors interjeté appel devant la Cour suprême.

Selon la Cour suprême, s’il est vrai que l’article 121 interdit les lois dont l’objet principal est d’empêcher la circulation des biens d’une province à une autre, il n’interdit pas celles qui ont des effets accessoires sur le commerce. La loi du Nouveau-Brunswick contestée par M. Comeau a pour effet de restreindre la circulation de l’alcool entre les provinces, ce n’est toutefois pas son objet principal. C’est la gestion de l’approvisionnement et de la demande de boissons alcooliques au Nouveau-Brunswick qui est son objet principal. La loi est donc constitutionnelle.

Cette cause repose sur le sens de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867. Pour comprendre ce sens, la Cour a examiné le texte de la disposition, son histoire et sa position dans la Constitution. La Cour a aussi analysé les principes juridiques qui éclairent les cours de justice quand il est question de comprendre la Constitution. Elle a conclu que l’article 121 interdit l’adoption de lois qui restreignent le commerce interprovincial, mais seulement lorsque c’est leur objet principal de le faire. Si l’article 121 devait garantir le libre-échange entre les provinces, il aurait des effets considérables sur la gestion de l’approvisionnement agricole, les interdictions fondées sur la santé publique, les contrôles environnementaux et les autres régimes similaires. L’article 121 n’empêche pas les provinces d’adopter ce type de mesures, à condition que l’objet principal de ces dernières ne soit pas d’empêcher l’importation de biens provenant d’autres provinces.

Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.