Registre

39710

Sa Majesté la Reine c. Marc-André Boulanger

(Québec) (Criminelle) (De plein droit)

Les jugements sur les demandes d’autorisation d’appel sont rendus par la Cour, mais ne sont pas nécessairement unanimes.

Procédures
Date Procédure Document déposé par
(si applicable)
2022-03-11 Transcription reçue, 66 Pages

requis: copies papier (rec'd 2022-03-25 / reçu 2022-03-25)
2022-03-10 Appel fermé
2022-02-09 Jugement formel envoyé au registraire de la cour d'appel et toutes les parties
2022-02-09 Jugement sur appel et avis de dépôt de jugement envoyés à toutes les parties
2022-02-09 Jugement rendu sur l'appel, JC Mo Ka Côt Br Row Mar Kas Ja, L’appel interjeté contre l’arrêt de la Cour d’appel du Québec (Montréal), numéro 500-10-007244-195, 2021 QCCA 815, daté du 18 mai 2021, a été entendu le 9 février 2022 et la Cour a prononcé oralement le même jour le jugement suivant :

LE JUGE KASIRER — Le ministère public se pourvoit à l’encontre d’une décision majoritaire de la Cour d’appel du Québec qui confirme, au profit de l’intimé, un arrêt des procédures ordonné en raison de la violation du droit constitutionnel de ce dernier d’être jugé dans un délai raisonnable. Les juges majoritaires constatent un délai net de 35 mois et 2 jours (1066 jours), qui dépasse le plafond fixé dans R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631.

L’appel vise à déterminer si deux délais particuliers — une première période de 84 jours et une seconde de 112 jours — doivent être attribués à la défense en raison de sa conduite.

Concernant la période de 84 jours, nous partageons l’avis du juge Chamberland, dissident en Cour d’appel, que le délai entre le 1er mars et le 24 mai 2018 résulte de la conduite illégitime de la défense et, de ce fait, qu’il doit être attribué à l’intimé.

Certes, la qualification des délais est une question de droit, et le juge de première instance n’était pas lié par l’admission de l’intimé à cet égard. Toutefois, le juge de première instance ne fournit aucune explication, ne serait-ce qu’implicite, permettant de comprendre pourquoi il rejette l’admission pour cette période (motifs du juge Chamberland, par. 173). Il était particulièrement important que le juge de première instance, ayant choisi d’aller à l’encontre de la suggestion des parties et en l’absence de soumissions de leur part sur ce point précis, fournisse des motifs permettant de comprendre sa décision et pourquoi il a décidé ainsi (voir R. c. G.F., 2021 CSC 20, par. 71 74). Avec égards, il ne l’a pas fait.

Par ailleurs, comme le laisse entendre le juge dissident, il ne suffit pas que la démarche de l’intimé soit légitime pour que le délai ne lui soit pas imputable. En l’espèce, c’est la manière dont la défense s’est conduite au regard de sa requête en décaviardage de la dénonciation qui est illégitime, notamment à cause de la tardiveté de la présentation de sa requête. Ce n’est que 15 mois après s’être fait remettre le document caviardé qu’elle a décidé de présenter sa requête, même si les parties débattaient depuis plusieurs mois déjà relativement au caviardage d’autres documents (motifs du juge Chamberland, par. 179 184, s’appuyant à bon droit notamment sur R. c. Rice, 2018 QCCA 198, 44 C.R. (7th) 83, par. 60; voir aussi R. c. Cody, 2017 CSC 31, [2017] 1 R.C.S. 659, par. 32).

Dans les circonstances, l’entièreté du délai de 84 jours entre le 1er mars et le 24 mai 2018 est imputable à la défense. La requête en décaviardage de la dénonciation au soutien du mandat de perquisition et la requête en contestation du mandat lui-même étaient intrinsèquement liées puisque, selon les dires de la défense, il n’était pas possible de procéder à l’audition en contestation du mandat sans régler le débat relatif au caviardage. En retardant le dépôt de la requête en décaviardage, l’intimé retardait nécessairement l’audience en contestation du mandat. L’intimé doit donc être tenu responsable du délai entre le jour où il a soulevé l’enjeu du décaviardage de la dénonciation (1er mars 2018) et le jour où la requête en contestation du mandat devait finalement être entendue (24 mai 2018).

En ce qui a trait à la deuxième période litigieuse, soit la période de 112 jours entre le 21 mai et le 10 septembre 2019, le moyen d’appel du ministère public doit être rejeté. Les juges majoritaires avaient raison d’intervenir, car ce délai n’était pas entièrement imputable à l’intimé, malgré l’indisponibilité de son avocate à certaines dates.

Certes, la Cour enseigne dans Jordan que lorsque le tribunal et le ministère public sont prêts à procéder mais la défense ne l’est pas, le délai qui en découle est imputable à cette dernière (par. 64). Tous les acteurs du système de justice criminelle, y compris la défense, doivent adopter une approche proactive afin de prévenir les délais inutiles en s’attaquant à leurs causes profondes (Cody, par. 36). Cela dit, dans certains cas, les circonstances peuvent justifier un partage de la responsabilité pour le délai entre ces acteurs, plutôt que l’attribution de l’entièreté du délai à la défense.

En l’espèce, les parties avaient demandé au juge, aussi tôt qu’en novembre 2018, d’ajouter une troisième date de procès en plus des deux dates déjà prévues en janvier 2019. Leur demande a été refusée. Lors de la première journée du procès en janvier 2019, il devient clair que les deux dates prévues seront insuffisantes, notamment en raison des changements de stratégie de la poursuite. Alors qu’ils discutent de dates potentielles pour la continuation du procès et que l’avocate de l’intimé informe le juge et la poursuite de son indisponibilité pour certaines dates en mai 2019, le juge propose une date en septembre 2019, sur laquelle il insiste, sans considérer la possibilité de continuer le procès à une date plus rapprochée où les parties étaient toutes deux disponibles. Le juge savait donc depuis le mois de novembre 2018 qu’une journée additionnelle serait nécessaire et, en janvier 2019, lorsqu’il évaluait les disponibilités potentielles pour la continuation du procès, la proximité de l’atteinte des plafonds fixés par l’arrêt Jordan devait être prise en compte (R. c. K.G.K., 2020 CSC 7, par. 61). Cela dit, ce n’est pas avant le 7 août 2019 que l’intimé fait part à la poursuite de son intention de déposer une requête en vertu de l’art. 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Ainsi, outre la conduite de l’avocate de la défense et les changements de stratégie de la poursuite, ce sont les délais institutionnels et le manque d’initiative du tribunal qui ont fait en sorte qu’aucune autre date n’a été offerte plus tôt (motifs du juge Cournoyer, par. 148).

Dans les circonstances particulières de cette affaire, nous estimons qu’il est « juste et raisonnable » de partager la responsabilité pour le délai de 112 jours et d’imputer à la défense jusqu’à la moitié du délai entre le 1er juin 2019 (le lendemain de la dernière date d’indisponibilité de l’avocate de l’intimé) et le 10 septembre 2019 (la date réelle de continuation du procès) (R. c. K.J.M., 2019 CSC 55, par. 96). Même en calculant à partir de cette hypothèse, le délai total entre ces deux dates étant de 101 jours, nous lui attribuons 51 jours (1er juin au 22 juillet 2019). Il y a aussi lieu d’imputer à l’intimé un délai de 10 jours (entre le 21 mai et le 31 mai 2019), suivant la concession qu’il a effectuée en Cour d’appel (motifs du juge Cournoyer, par. 150, note 83).

Au final, outre la période identifiée par les juges majoritaires en appel, un délai de 84 jours (période du 1er mars au 24 mai 2018) et un délai de 61 jours (du 21 mai au 31 mai 2019 et du 1er juin au 22 juillet 2019) sont aussi imputables à la défense. Ceci porte le total de jours attribuables à la défense à 225 jours, et le délai net à 950 jours, soit plus de 31 mois. Le plafond Jordan de 30 mois est donc excédé et le délai est présumé déraisonnable. Aucune circonstance exceptionnelle n’a été soulevée pour justifier ce dépassement.

Il convient de souligner que l’intimé a été inculpé en juin 2016, proche de la date à laquelle l’arrêt Jordan a été rendu. On s’attend, aujourd’hui, à ce qu’une telle situation ne se reproduise pas.

Pour ces motifs, la Cour rejette l’appel et confirme l’arrêt des procédures ordonné par le juge de première instance.
Rejeté(e)
2022-02-09 Audition de l'appel, 2022-02-09, JC Mo Ka Côt Br Row Mar Kas Ja
Décision rendue
2022-02-07 Recueil condensé de l'intimé(e), (Format livre), (Version imprimée déposée le 2022-02-07) Marc-André Boulanger
2022-02-04 Documentation supplémentaire, traduction non officielle en anglais de l'arrêt rendu par la Cour d'appel du Québec du 18-05-2021, complété le : 2022-02-07 Sa Majesté la Reine
2022-02-04 Attestation concernant les restrictions limitant l’accès au public, (Format lettre), Recueil condensé, (Version imprimée déposée le 2022-02-07) Sa Majesté la Reine
2022-02-04 Recueil condensé de l'appelant(e), (Format livre), (Version imprimée déposée le 2022-02-07) Sa Majesté la Reine
2022-02-03 Avis de participation à distance d'un juge de la Cour suprême du Canada envoyé à toutes les parties
2022-02-02 Correspondance (envoyée par la Cour) à, Informations sur le zoom et liens d'enregistrement envoyés aux parties
2022-01-17 Avis de comparution, Nicholas St-Jacques et Lida Sara Nouraie seront présents à l'audience. Me St-Jacques fera les plaidoiries. Marc-André Boulanger
2022-01-17 Avis de comparution, Jason Vocelle Lévesque et Jade Coderre seront présents à l'audiences, et feront les plaidoiries. Sa Majesté la Reine
2022-01-14 Correspondance (envoyée par la Cour) à, Correspondance concernant une audience Zoom à venir
2021-11-08 Avis d'audition envoyé aux parties, (envoyé par courriel)
2021-11-08 Audition d'appel mise au rôle, 2022-02-09
Décision rendue
2021-10-29 Lettre avisant les parties de la date provisoire d'audition et des délais (Avis d’appel de plein droit)
2021-10-26 Attestation concernant les restrictions limitant l’accès au public, (Format lettre), 23A modifié (reçu 2021-11-17), (Version imprimée due le 2021-11-02) Marc-André Boulanger
2021-10-26 Mémoire de l'intimé(e), (Format livre), requis: signification (reçu 2021-11-10)

mémoire corrigé (reçu 2021-11-17), complété le : 2021-11-22, (Version imprimée déposée le 2021-10-28)
Marc-André Boulanger
2021-08-31 Attestation (sur le contenu du dossier), (Format lettre), (Version imprimée déposée le 2021-09-03) Sa Majesté la Reine
2021-08-31 Attestation concernant les restrictions limitant l’accès au public, (Format lettre), (Version imprimée déposée le 2021-09-03) Sa Majesté la Reine
2021-08-31 Dossier de l'appelant(e), (Format livre), (8 volumes), complété le : 2021-09-15, (Version imprimée déposée le 2021-09-03) Sa Majesté la Reine
2021-08-31 Mémoire de l'appelant(e), (Format livre), complété le : 2021-09-15, (Version imprimée déposée le 2021-09-03) Sa Majesté la Reine
2021-08-12 Ordonnance sur requête en prorogation de délai, par le JUGE KASIRER
2021-08-12 Décision sur requête en prorogation de délai, Kas, À LA SUITE DE LA DEMANDE présentée par l’appelante en vue d’obtenir la prorogation du délai de signification et de dépôt de son mémoire, dossier et, le cas échéant, recueil de sources au 31 août 2021.

ET APRÈS EXAMEN des documents déposés;

ET EN NOTANT le consentement de l’intimé;

IL EST ORDONNÉ CE QUI SUIT :

La requête est accueillie.

Accordée
2021-08-12 Présentation de requête en prorogation de délai, Kas
2021-07-27 Requête en prorogation de délai, (Format livre), Manquant: Frais de dépôt (reçu 2021-08-03), complété le : 2021-08-05, (Version imprimée déposée le 2021-07-28) Sa Majesté la Reine
2021-06-29 Accusé de réception d'un avis d'appel, DOSSIER OUVERT 2021-06-29
2021-06-21 Correspondance provenant de, (Format lettre), Monsieur Boulanger sera repreésenté par son avocate Me Daniele Roy, l'ayant représenté à la Cour d'appel du Québec et également Me Lida Sara Nouraie et Me Nicholas St-Jacques., (Version imprimée due le 2021-06-28) Marc-André Boulanger
2021-06-17 Attestation concernant les restrictions limitant l’accès au public, (Format lettre), (Version imprimée déposée le 2021-06-22) Sa Majesté la Reine
2021-06-17 Avis d'appel, (Format livre), frais de depot (reçu 2021-07-23), complété le : 2021-06-29, (Version imprimée déposée le 2021-06-22) Sa Majesté la Reine