La cause en bref
R. c. Haevischer
- La décision
- Date : le 28 avril 2023
- Référence neutre : 2023 CSC 11
- Décompte de la décision :
- Unanimité : La juge Martin a rejeté l’appel (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Karakatsanis, Côté, Rowe, Kasirer, Jamal et O’Bonsawin)
- En appel de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique
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La Cour suprême précise que les requêtes présentées lors d’instances criminelles doivent être « manifestement frivoles » pour que les tribunaux puissent les rejeter sommairement.
Messieurs Cody Rae Haevischer et Matthew James Johnston étaient membres d’une organisation criminelle appelée les Red Scorpions. En 2014, ils ont été jugés ensemble et déclarés coupables de six chefs de meurtre au premier degré et d’un chef de complot en vue de commettre un meurtre dans le cadre d’une affaire connue sous le nom des « Six meurtres de Surrey », meurtres survenus par suite d’un différend lié au trafic de drogue à Surrey, en Colombie‑Britannique.
Avant l’inscription des déclarations de culpabilité au dossier du tribunal, les deux accusés ont demandé à la juge de mettre fin au procès. Ils ont présenté ce qu’on appelle une requête en « arrêt des procédures ». Dans le contexte d’une affaire criminelle, un arrêt des procédures est une réparation qui peut être accordée à la personne accusée lorsque l’État a porté atteinte à ses droits à un procès équitable et a miné l’intégrité du système de justice. Messieurs Haevischer et Johnston ont tous deux présenté une requête en arrêt des procédures, soutenant qu’il y avait eu inconduite policière généralisée de la part d’agents ayant participé à l’enquête. Ils ont également allégué que, après leur arrestation, ils avaient été délibérément détenus de façon punitive en isolement cellulaire dans des conditions dures et inhumaines.
La Couronne a demandé au tribunal de première instance de rejeter les requêtes en arrêt des procédures sans tenir une audience complète sur le fond. Elle plaidait que ni l’une ni l’autre des requêtes ne révélait de motifs suffisants établissant qu’une audience complète était nécessaire pour décider si les abus reprochés donnaient aux accusés le droit d’obtenir un arrêt des procédures. La juge du procès a accepté d’entendre la demande présentée par la Couronne. Elle a permis à MM. Haevischer et Johnston de présenter leurs arguments ainsi que certains éléments de preuve, mais le dossier ne comportait pas tous les éléments de preuve que ces derniers souhaitaient que la juge du procès considère. Les éléments additionnels auraient été soumis dans le cadre d’une audience complète et auraient inclus des contre-interrogatoires de certains agents impliqués dans l’inconduite policière.
La juge du procès a rejeté sommairement les requêtes en arrêt des procédures et ordonné l’inscription des déclarations de culpabilité. Elle a conclu que, même si toutes les prétentions des deux hommes étaient tenues pour avérées et même si les allégations d’inconduite policière étaient très graves, les crimes commis étaient si choquants qu’un arrêt des procédures ne serait pas une réparation convenable. À son avis, il n’y avait aucune raison d’examiner davantage les requêtes en tenant une audience complète afin d’entendre toute la preuve des accusés.
La Cour d’appel a accueilli l’appel. Elle a conclu que la juge du procès n’avait pas appliqué la bonne approche pour arriver à sa décision. Elle n’avait pas tenu pour avérées toutes les allégations. En fait, si toutes les allégations de MM. Haevischer et Johnston étaient tenues pour avérées, il y avait des chances que l’arrêt du procès puisse être ordonné. En conséquence, il était nécessaire d’entendre toute la preuve des accusés pour trancher les requêtes. La Couronne a interjeté appel à la Cour suprême.
La Cour suprême a rejeté l’appel.
La juge du procès n’aurait pas dû rejeter sommairement les requêtes, car celles-ci n’étaient pas manifestement frivoles.
Rédigeant la décision unanime de la Cour, la juge Martin a statué qu’une requête présentée lors d’une instance criminelle ne devrait être rejetée sommairement que si elle est « manifestement frivole ». Elle a expliqué que l’application du mot « frivole » prévu par la norme permet d’écarter les requêtes qui seront forcément rejetées, alors que le mot « manifestement » exprime l’idée que le caractère frivole de la requête devrait être évident. Selon la juge Martin, « [s]i le caractère frivole de la requête n’est pas manifeste ou évident au vu du dossier, la requête ne devrait pas être rejetée sommairement et devrait plutôt être jugée au fond ». En adoptant cette norme rigoureuse, un juge peut écarter les requêtes qui ne seraient jamais accueillies et qui, par définition, feraient perdre du temps au tribunal. Toutefois, cette norme protège aussi les droits à un procès équitable en faisant en sorte que les requêtes qui pourraient être accueillies soient jugées au fond.
Compte tenu de la gravité de la conduite répréhensible reprochée à l’État dans la présente affaire, la juge Martin a conclu que les requêtes n’étaient pas manifestement frivoles et n’auraient pas dû être rejetées sommairement. Elle a rejeté l’appel, ordonnant toutefois au tribunal de première instance de tenir une audition de la preuve, mais seulement à l’égard de la requête en arrêt des procédures présentée par M. Haevischer, car M. Johnston est décédé après l’audition de l’appel par la Cour suprême du Canada.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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