La cause en bref
Ewert c. Canada (Service correctionnel)
- Motifs de jugement
- Date : le 13 juin 2018
- Référence neutre : 2018 CSC 30
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour d’appel fédérale
- Renseignement sur le dossier (37233)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs :
- Cour d’appel fédérale : jugement rendu en appel
- Cour fédérale : jugement
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Selon la Cour suprême, les autorités carcérales doivent démontrer que les outils psychologiques et statistiques qu’elles utilisent pour prendre des décisions à l’égard des détenus autochtones sont efficaces pour eux.
Le Service correctionnel du Canada (SCC) s’occupe des prisons fédérales. Son objectif est d’aider à la réadaptation des détenus tout en protégeant les autres détenus, le personnel et la société dans son ensemble. Pour ce faire, il se sert de certains outils psychologiques et statistiques pour prendre des décisions à l’endroit d’un détenu, comme déterminer les risques de récidive ou décider du type de soutien qu’il devrait obtenir.
Aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le SCC est tenu de « veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets ». La Loi précise également que le SCC doit s’assurer que ses politiques et programmes sont adaptés aux délinquants autochtones et prendre en compte leur situation et leurs besoins particuliers.
M. Ewert est un détenu fédéral qui s’identifie comme métis. Il purgeait deux peines concurrentes d’emprisonnement à perpétuité pour meurtre et tentative de meurtre. Puisque certains des outils utilisés pour prendre des décisions à son sujet avaient été créés surtout pour des non-Autochtones, M. Ewert a soutenu qu’ils généraient des résultats moins exacts à l’endroit d’Autochtones comme lui. Il a soutenu que le SCC ne respectait pas la loi en se servant de ces outils à l’égard des délinquants autochtones sans avoir la preuve qu’ils fonctionnaient.
La Cour fédérale a donné raison à M. Ewert, mais cette décision a été infirmée par la Cour d’appel fédérale. M. Ewert a fait appel à la Cour suprême.
S’exprimant pour la majorité, le juge Richard Wagner (qui n’était pas encore juge en chef quand l’affaire a été instruite) a accordé à M. Ewert un jugement déclaratoire selon lequel le SCC ne se conformait pas à la loi. Il a dit que le SCC n’avait pas pris les mesures raisonnables appropriées pour s’assurer que ses outils produisaient des résultats exacts et complets à l’égard des détenus autochtones. Le juge Wagner s’inquiétait de l’écart croissant entre le traitement réservé aux délinquants autochtones et celui réservé aux autres délinquants dans le système de justice pénale. À titre d’exemple, les délinquants autochtones sont plus susceptibles de se voir attribuer une cote de sécurité de niveau supérieur et moins susceptibles de bénéficier d’une libération anticipée. Selon lui, l’écart est imputable en partie à des politiques qui semblent neutres à première vue mais qui sont en fait discriminatoires envers les délinquants autochtones. Voilà pourquoi il était important de s’assurer que les outils fonctionnaient. Le SCC savait que les outils suscitaient des craintes, mais il a continué à s’en servir malgré tout. Compte tenu de tout ce qui précède, le juge Wagner a officiellement déclaré que le SCC avait violé la loi. Six juges se sont rangés à l’avis du juge Wagner.
Le juge Malcolm Rowe, dissident, n’était pas d’accord. À son avis, les « renseignements » ne s’entendaient clairement que des données biographiques ou factuelles concernant un détenu (par exemple, s’il a participé à une bagarre en prison). Ils ne s’entendaient pas des résultats produits par les outils psychologiques et statistiques. D’après le juge Rowe, le SCC n’avait qu’à tenir des relevés complets et exacts des résultats générés par les outils d’évaluation. Il a convenu avec les juges majoritaires qu’il importait de s’attaquer au problème du nombre élevé de détenus autochtones dans les prisons comparativement à leur part de la population. Mais il fallait le faire dans le respect de la logique de la loi. Le juge Rowe a dit que M. Ewert aurait dû plutôt demander aux tribunaux de contrôler les décisions prises à son endroit par le SCC sur la base des résultats des outils.
La présente affaire portait sur l’interprétation du paragraphe 24(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, dans le contexte de l’alinéa 4g) de cette loi. C’était la première fois que la Cour interprétait l’alinéa 4g). Bien que les juges majoritaires aient déclaré officiellement que le SCC avait enfreint la Loi, M. Ewert doit tout de même présenter une demande de contrôle judiciaire pour contester toute décision éventuelle du SCC. M. Ewert a ajouté que les droits que lui garantit la Charte ont été violés, mais l’argument en question a été rejeté.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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