Sommaire
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Cindy Dickson c. Vuntut Gwitchin First Nation
(Territoire du Yukon) (Civile) (Autorisation)
Mots-clés
Droit constitutionnel — Charte des droits — Application — Droit à l’égalité — Discrimination fondée sur l’autochtonité-lieu de résidence — Autochtones — Droits issus de traités — Autonomie gouvernementale — La constitution de la Première Nation oblige les conseillers élus de la bande de déménager sur les terres visées par un règlement dans les 14 jours suivant l’élection — La candidature de l’appelante au poste de conseillère est rejetée en raison de son refus de déménager si elle est élue — L’appelante conteste la validité constitutionnelle de la condition de résidence — Divers jugements déclaratoires ont été rendus portant notamment que la Charte s’applique à la condition de résidence de la Première Nation, que le délai rattaché à la condition porte atteinte au droit à l’égalité, mais que l’art. 25 de la Charte a pour effet de mettre la condition à l’abri d’un contrôle — La portée des « autres droits et libertés » des « peuples autochtones du Canada » que prévoit l’art. 25 de la Charte s’étend-elle à la condition de résidence ? — Incombe-t-il au tribunal d’examiner en profondeur les droits garantis par la Charte en cause, notamment l’article premier, ou l’application de l’art. 25 fait-elle plutôt en sorte qu’il n’est pas nécessaire de mettre en balance les droits collectifs avec d’autres intérêts ? — La Charte s’applique-t-elle à la condition de résidence prévue dans la constitution de la Première Nation de gouvernance autonome ? — La condition de résidence est-elle incompatible avec la Charte, notamment le motif analogue de « l’autochtonité-lieu de résidence » s’applique-t-il de façon rigide dans toutes les circonstances de gouvernance autochtone ? — Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 15, 25, 32.
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Les sommaires de dossiers sont préparés par le Bureau du registraire de la Cour suprême du Canada (Direction générale du droit). Veuillez noter qu’ils ne sont pas transmis aux juges de la Cour; ils sont plutôt versés au dossier de la Cour et affichés sur son site Web uniquement à titre d’information.
L’appelante, Cindy Dickson, est membre de la Première Nation intimée Vuntut Gwitchin First Nation (« VGFN ») du territoire du Yukon; pour des raisons de santé familiale et d’autres motifs socio-économiques, elle réside à Whitehorse au lieu de sur les terres visées par un règlement de la VGFN, qui sont à environ 800 km de distance. Mme Dickson a demandé de se présenter comme candidate à l’élection du conseil de la VGFN. Toutefois, la constitution de la VGFN précise que tout conseiller doit résider sur les terres visées par un règlement (la « condition de résidence »); la constitution prévoit également que si un candidat admissible au poste de chef ou de conseiller ne réside pas sur les terres visées par un règlement durant la période d’élection, et que cette personne remporte le siège convoité, elle doit y déménager dans les 14 jours suivant le jour d’élection. Étant donné que Mme Dickson n’était pas disposée à déménager sur les terres visées par un règlement, le conseil de la VGFN a refusé de retirer la condition de résidence de la constitution et a rejeté la candidature de Mme Dickson au poste de conseillère. Cette dernière a par la suite demandé à la Cour suprême du Yukon de rendre un jugement déclarant que la condition de résidence était incompatible avec le droit à l’égalité qui lui est garanti et est protégé par le par. 15(1) de la Charte, que cette condition ne pouvait se justifier au regard de l’article premier de la Charte et qu’elle était donc inopérante.
Le juge siégeant en son cabinet a rendu plusieurs jugements déclaratoires, concluant que bien que la Charte s’applique au conseil de la VGFN et à la condition de résidence prévue dans la constitution de la VGFN, cette condition, à la base, ne porte pas atteinte au par. 15(1) de la Charte. Toutefois, le délai rattaché au déménagement précisé dans la condition de résidence — soit, « dans les 14 jours » — porte atteinte au par. 15(1), et il devrait être retranché de la condition et déclaré inopérant en vertu de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 (la déclaration d’invalidité a été suspendue pendant 18 mois).
Subsidiairement, le juge a conclu que si cette conclusion est erronée et que, même à l’exclusion du délai, la condition de résidence porte atteinte au droit à l’égalité protégé par le par. 15(1), l’art. 25 de la Charte s’appliquerait alors de façon à mettre la condition de résidence « à l’abri » (quoiqu'en retranchant les mots « dans les 14 jours ») d’une conclusion de violation de ce droit.
La Cour d’appel du Yukon a accueilli l’appel de Mme Dickson ainsi que le pourvoi incident présenté par la VGFN contre la décision du juge siégeant en son cabinet. La Cour d’appel a conclu que, sous réserve de toute justification démontrée en vertu de l’article premier de la Charte, la condition de résidence dans son ensemble (à l’exclusion ou non du délai rattaché au déménagement) porte atteinte au par. 15(1). Toutefois, la Cour d’appel a également conclu que, dans le cas d’une atteinte injustifiée au droit garanti par le par. 15(1), l’art. 25 de la Charte aurait pour effet de mettre la condition de résidence « à l’abri » d’une contestation, ce qui se traduirait en définitive par la validité de la condition de résidence. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont rendu plusieurs jugements déclaratoires à cet égard. (Dans des motifs dissidents en partie, l’un des juges était d’accord avec les conclusions globales tirées par les juges majoritaires, mais aurait rejeté l’appel de Mme Dickson et n’aurait pas rendu de jugements déclaratoires précis.)
Décisions des juridictions inférieures
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